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Des gouts et des couleurs...
13 juin 2007

Egypte - Trois mille ans d'art décoratif

Le blues égyptien

Rien ne prédestinait le très british major Myers, en poste en Égypte de 1882 à 1897, à devenir « égyptologue ». Il le fut pourtant, à sa manière, en collectionnant, avec passion et avec un goût très sûr, de menus objets, autant de petites merveilles d'art « décoratif » : vases, statuettes, bijoux, jouets, figurines et même portraits, où domine sa couleur favorite, le bleu. Une centaine des 1 300 pièces qu'il avait léguées à son collège d'Eton a fait le voyage à Bordeaux où elles sont aujourd'hui présentées dans une scénographie blanche, pure, élégante, laissant - une fois n'est pas coutume - toute la place aux objets. C'est un peu la part d'humanité de l'Égypte pharaonique qui se retrouve dans ces modestes objets.
La première pièce présentée est un morceau de choix, unique : un couteau de silex finement cranté emmanché d'or. Daté de la période prédynastique (3100 avant J.-C.), il adopte déjà la forme du hiéroglyphe qui signifie « perfection ». De la même époque, une palette rhomboïdale à fard, pierre dure, lisse comme de la soie, aux lignes épurées, gravée de deux serpents, témoigne aussi de la perfection déjà consommée de l'art à la plus haute époque. À ne pas manquer, non plus, un minuscule pectoral du Moyen Empire, d'une légèreté aérienne, où Horus et Anubis entourent Hathor, sous deux yeux « oudjat » et encadrés de tiges de papyrus qui évoquent les arabesques florales de l'Art nouveau.
Parmi une multitude de petits objets, il y en a d'émouvants, comme cette petite poupée d'enfant, vieille de 4 000 ans, en fils de lin enroulés et cheveux de perles, ou cette minuscule statuette d'homme articulée, en bois, d'une finesse extrême. Il y en a d'autres splendides comme la gracieuse antilope aux pattes entravées qui servait de palette à fard, si proche des objets magdaléniens sculptés dans l'os 20 000 ans plus tôt sous nos climats.

Mais la majorité des pièces qui ont séduit le major Myers sont des objets de couleur bleue. Les Égyptiens aussi avaient une fascination pour cette couleur, émanation du firmament, qu'ils aimaient lumineuse et qu'ils fabriquaient soit à partir du très onéreux lapis-lazuli, soit avec de la turquoise, soit encore à l'azurite ou en glaçurant de la stéatite, soit enfin en verre. Quatre coupes à boire de la tombe d'un certain Nesijhonsou (XXIe dynastie) d'un bleu intense, un babouin, bleu lui aussi, et une merveilleuse série de calices datant de la XXIIe dynastie, tous trois ornés de fleurs de lotus, l'une estampée, l'autre ciselée, la troisième peinte, le disputent à de minuscules triades divines en faïence à observer à la loupe.
Enfin, délaissant pour un temps son obsession azuréenne, Myers avait collecté un des plus beaux portraits de momies du Fayoum de l'époque romaine : un visage de jeune homme peint à l'encaustique d'un pinceau si nerveux qu'il pourrait passer pour un ancêtre de l'impressionnisme.

« Égypte. Trois mille ans d'art décoratif », Musée des arts décoratifs de Bordeaux, jusqu'au 2 juillet. Tél. : 05 56 10 14 00.

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