"Rembrandt et la nouvelle Jérusalem"
Magistal !
Une exposition véritablement réussie ne saurait
consister en une simple accumulation de chefs-d'oeuvre accrochés avec
élégance en un lieu magnifique et tout palpitant de mémoire et de
curiosité intellectuelle. Ces conditions sont néanmoins nécessaires et
parfaitement réunies dans l'exposition proposée par le Musée d'art et
d'histoire du judaïsme, à Paris, au titre scandé par des noms
chatoyants : « Rembrandt et la nouvelle Jérusalem. Juifs et chrétiens
au siècle d'or. » : 690 pièces, peintures, dessins, gravures,
manuscrits rares (ah ! l'émotion, entre beaucoup d'autres, de
contempler l'édition originale de la vertigineuse Éthique de
Spinoza), prêtées par de prestigieux musées, dont le Louvre, ou par la
fameuse collection Edmond de Rothschild qui conserve 385 estampes et 16
dessins catalogués sous le nom de Rembrandt.
En d'autres lieux parisiens, en cette année de célébration de la naissance du peintre, il y a quatre siècles, on a pu admirer la mystérieuse maîtrise et les beautés d'une oeuvre incomparable. Ici aussi, on trouvera le plaisir premier du visiteur d'une exposition : la stupéfaction devant la splendeur visuelle, tour à tour paisible, inquiète, quotidienne, mystique.
C'est en images - et quelles images ! - qu'est évoquée cette période
passionnante et si frémissante d'espérance. On est saisi, ému, par
exemple, par toutes ces oeuvres nées du regard fasciné et fraternel de
Rembrandt sur les juifs : ces puissants portraits christiques, ces
jeunes gens et ces vieux sages. L'exposition est aussi l'occasion
d'admirer une iconographie biblique d'une qualité réellement
exceptionnelle : scènes peintes, dessinées ou gravées par Rembrandt ou
certains de ses contemporains d'Amsterdam. Voici la Mort de la Vierge,
(1639), bouleversante eau-forte du maître de Leyde, puis l'une de ses
toiles les plus énigmatiques, dramaturgie sombre Et éclatante : La Disgrâce d'Aman (vers 1665), épisode tiré du Livre d'Esther qui inspira souvent Rembrandt.
C'est un délice profond que cette promenade dans ce passé si riche en intelligence, en humanité paisible, pieuse, prospère, mais parfois incandescente, comme les lettres de feu au fond du Festin de Balthazar peint par Rembrandt en 1635.