Kundera délateur?
L'insoutenable légèreté d'un être ?
«Je suis totalement pris au dépourvu par cette
chose à laquelle je ne m’attendais pas du tout, de laquelle je ne
savais rien hier encore, et qui n’a pas eu lieu».
La réponse de
Milan Kundera aux accusations lancées à son encontre par le magazine
tchèque Respekt n’aura pas tardé. D’habitude si discret, l’écrivain est
sorti de son mutisme pour affirmer que sa mise en cause dans un rapport
de police datant de 1950 relevait pour lui du «mystère».
Dans son édition de lundi, Respekt révélait que Milan Kundera -
aujourd’hui âgé de 79 ans - avait dénoncé dans sa jeunesse un étudiant
auprès de la police communiste tchécoslovaque. C’est un jeune
historien, Adam Hradilek, qui est tombé par hasard sur le rapport en
fouillant dans les archives du Ministère de l’intérieur.
«Aujourd’hui
vers 16 h, un étudiant, Milan Kundera, né le 1er avril 1929 à Brno (…)
s’est présenté dans ce département pour rapporter (qu’une étudiante
devait rencontrer dans la soirée un certain Miroslav Dvoracek)… Ce
dernier a apparemment déserté du service militaire», indique le
document, mis hier en ligne par l’Institut tchèque d’étude des régimes totalitaires.
Arrêté sur le lieu du rendez-vous après cette dénonciation, Dvoracek
a été condamné à 22 ans de prison, après avoir vu la peine de mort
requise contre lui. Quand il est enfin relâché, après 14 ans de travail
forcé dans une mine d’uranium, Kundera entame sa marche vers le succès
grâce à la publication de Risibles amours.
L’épouse de Dvoracek a
déclaré qu’elle et son mari n’étaient «pas étonnés»: «(Kundera) est un
bon écrivain, mais je n’avais aucune illusion sur lui en tant qu’être
humain», a-t-elle ajouté. Pour le couple, connaître le dénonciateur ne
fait «aucune différence».
Le démenti de l’écrivain - qui pense que «celui qui a fait une telle
chose doit avoir des motifs» - suffira-t-il à désamorcer l’affaire?
On
l’ignore, mais on rappellera ce qu’il écrivait dans La Plaisanterie:
«Comme j’aimerais révoquer toute l’histoire de ma vie! Seulement, de
quel droit pourrais-je la révoquer, si les erreurs dont elle est née ne
furent pas les miennes?»