Un inédit de Rimbaud ?
Info ou intox ?
Elle est retrouvée! Quoi? Pas l'Eternité, hélas. Non, l'unique collaboration - à ce jour - d'Arthur Rimbaud à un quotidien.
On savait que le poète avait des velléités journalistiques. Jusqu'à
maintenant, on croyait qu'aucun de ses articles, envoyés alors qu'il
était encore lycéen au directeur du Progrès des Ardennes, n'avaient été
publiés. L'étonnante découverte, en avril dernier, du cinéaste Patrick
Talierco, vient infirmer cette certitude.
En
repérage à Charleville-Mézières, lieu de naissance de l'auteur des
Illuminations, le réalisateur est tombé chez un bouquiniste sur de
vieux exemplaires du journal. En parcourant l'un d'entre eux paru en
novembre 1870, il a découvert un article titré Le rêve de Bismarck
signé par un certain Jean Baudry. C'est justement le nom de plume que
s'était choisi le poète, alors âgé de 16 ans, pour écrire dans la
presse.
«On
savait, par son ami Delahaye, que Rimbaud avait écrit un texte sur
Bismarck sous ce pseudonyme et qu'il l'avait proposé au Progrès,
explique Patrick Talierco dans un entretien accordé à L'Ardennais.
«Mais a priori personne ne savait qu'il avait effectivement été
publié». Le poète lui-même n'aurait pas été averti de cette
publication.
La nouvelle a fait l'effet d'une bombe
dans les rangs des rimbaldistes. Elle augure de prestes remaniements de
biographie. Depuis 1940, en effet, aucun inédit du poète aux semelles
de vent n'avait refait surface.
Sur la Toile, l'heure est plutôt
au doute: certains remettent en cause l'authenticité du texte. Un
dénommé Raphaël Zacharie de Izarra, déjà auteur de faux littéraires, se
répand sur de nombreux blogs pour revendiquer la paternité de ce
Bismarck. «La rédaction du texte «à la Rimbaud» fut l'étape la plus
facile et la plus plaisante de l'entreprise», assure le prétendu
faussaire.
Preuve de ce
scepticisme: aucune agence de presse n'a pour l'instant relayé
l'information. Les spécialistes, eux, se montrent très discrets. Seul
Jean-Jacques Lefrère, l'un des plus fameux biographes «rimbaldien»,
s'est déclaré convaincu que d'autres oeuvres de Rimbaud pourraient
figurer dans les rares exemplaires encore intacts du Progrès.
«La
question de l'authenticité est précisément à mettre sur le compte du
caractère tout à fait inattendu de cette découverte», souligne-t-il sur
le site du Nouvel Observateur. En précisant que ce texte ne devrait
toutefois pas bouleverser «la connaissance que l'on a aujourd'hui de
l'oeuvre littéraire de Rimbaud. Il a avant tout une valeur biographique
et psychologique».
L'article du poète, qui ironise sur l'ennemi
prussien, témoigne quoi qu'il en soit d'un art subtil de la caricature.
«Triomphant, Bismarck a couvert de son index l'Alsace et la Lorraine! -
Oh! sous son crâne jaune, quels délires d'avare! Quels délicieux nuages
de fumée répand sa pipe bienheureuse!». Pas de doute: ça ressemble à du
Rimbaud, ça en a le souffle et la musique. Comme en avait aussi La
chasse spirituelle, un texte retrouvé en 1949. Et qui s'avéra être un
faux.