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Des gouts et des couleurs...
17 janvier 2008

Into the wild

En Penn nature


Cinq mois avant le Festival de Cannes, où il marquera sans doute le siège de président du jury au couteau de son intransigeance, Sean Penn (LT du 08.01.08) sort Into the Wild, sa cinquième réalisation. Après les sublimes The Indian Runner (1991), The Crossing Guard (1995), The Pledge (d'après Dürrenmatt, 2001) et le suffocant sketch new-yorkais du collectif 11.09.01, l'acteur n'en est plus à confirmer son talent de scénariste et metteur en scène. Talent hors normes parmi les comédiens qui ont passé derrière la caméra, il peut aujourd'hui tout se permettre.

Y compris d'ouvrir son cinéma et sa petite musique sombre, tellement cousine des compositions de Bruce Springsteen, aux grands espaces, aussi bien géographiques que métaphoriques et psychologiques. Et de pénétrer dans de nouvelles zones limites, singulières, ambiguës, sauvages. De plonger Into the Wild, dans cette part d'ombre de l'âme humaine que Sean Penn, davantage que bien des artistes de ce temps, affronte encore et encore, dans les colonnes à scandale, dans les tabassages de journalistes qu'il abhorre, dans la mort récente de son frère Chris, dans son deuxième divorce tout juste annoncé avec son adorée Robin Wright, dans les combats politiques bien sûr, mais aussi jusqu'au fond de rôles qui l'ont usé, fracassé, démantibulé au point qu'il jure depuis vingt ans, après chaque tournage, de ne plus jamais y retourner.
De prime abord, Into the Wild peut ressembler à un délire hippie complaisant (deux heures et demie quand même). Mais c'est sans compter l'extrême qualité de Sean Penn réalisateur: sa vérité, cette sincérité folle qui l'a poussé, cette fois, à tourner sur les lieux exacts où McCandless a vécu et où il est mort. Pas une image, toutes justes et amples car photographiées par Eric Gautier (chef opérateur, entre autres, de Motorcycle Diaries de Walter Salles), ne ment dans ce périple fou à travers les Etats-Unis. Tout est mis au service d'une métaphore sur la vie qui n'est pas sans rappeler Une Histoire vraie (The Straight Story) de David Lynch, fameux road-movie en tondeuse à gazon. Chaque rencontre du jeune Chris, au cours de ses deux années de dérive idéaliste, correspond en effet à une étape de l'existence que Sean Penn subdivise en chapitres auxquels Krakauer n'avait pas pensé, de l'enfance (le grand frère fermier incarné par Vince Vaughn) à la vieillesse (l'ancien militaire joué par Hal Holbrook), en passant par la maturité (le couple Brian Dierker et Catherine Keener).
Une vie en accéléré, écoutée à travers le récit en voix off de la sœur de Chris, et vue à travers les yeux de ce dernier, être né à la vie une seconde fois lorsque, endormi dans sa voiture au milieu du désert, il est englouti par une vague irréelle, liquide amniotique tombé du ciel qui lui permet de réenvisager sa vie à la lumière de ses livres chéris, ceux de Jack London, Tolstoï, Pasternak, Byron, Thoreau... Et le mythe du Far West, ici du Grand Nord dernière frontière, prend alors une tournure étrange: la quête devient celle d'une disparition pure et simple.
Sean Penn, et c'est là sa plus grande réussite, ne cherche même pas à défendre son personnage ou à atténuer, comme le fit Krakauer, sa naïveté. Le cinéaste, immense cinéaste, filme seulement de la liberté en action, de la liberté pure, si passionnée et généreuse, si lumineuse par rapport à ses précédents films, qu'il importe peu, au fond, qu'elle mène à une issue fatale. Pour en pleurer ou le déplorer, il faudrait stupidement refuser que la mort soit l'issue de toute vie.
Into the Wild abandonne au contraire le public sur une note euphorique: Chris a vécu tous les âges avec passion. Et le film en devient un hymne à l'intégrité.

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Commentaires
L
Tu sais donner envie.
O
J'avais aussi fait un certain rapprochement avec "Une histoire vraie".<br /> Pour le reste, je demeure un peu "entre deux eaux".
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