99 F
Remboursez !
Le cinéaste Jan Kounen est un ancien as du court métrage loufoque
(Gisèle Kérosène, Vibroboy). Le Français a aussi réalisé un Dobermann
épileptique, un Blueberry psychédélique et des délires documentaires à
base de chamans et de champignons hallucinogènes (Darshan et D'autres
mondes). Puis il a fini par trouver le film qui répond le mieux à son
style, qui est celui de la saturation. Saturation des sons, du montage,
des effets spéciaux, de la violence aussi, auxquels il manquait, dans
les précédents projets, un os à ronger.
Sauf que ce film idéal est l'adaptation impossible de 99 F, le best-seller qui a fait de Frédéric Beigbeder un people, accessoirement romancier et surtout passe-plat dans des talk-shows parisianocentristes. Comment porter à l'écran son récit quasi autobiographique, aventures cocaïnées d'un publicitaire qui finit par cracher dans la soupe? Le sujet, qui sent moins le souffre que les années 80, était déjà dépassé au moment où Beigbeder présentait son manuscrit à son premier éditeur.
Cheveux longs et désordonnés, lunettes noires et épaisses, Dujardin s'est donné le look de Frédéric Beigbeder puisque c'est de lui dont il s'agit dans cette adaptation de son roman à succès. Lui et son histoire à peine exagérée, derrière un personnage de fiction. Il est Octave, un rédacteur publicitaire qui se prend pour le maître du monde. Bien sûr il est couvert d'argent, de filles, et de cocaïne. Mais au moment de concevoir la campagne qui va lancer un nouveau produit laitier, il est saisi par le doute. Déstabilisé par un chagrin d'amour, il se rebelle contre le système qu'il a créé en le dynamitant de l'intérieur.
Pour avoir pratiqué cet univers aussi longtemps et abondamment que lui, Jan Kounen était sûrement le cinéaste qu'il fallait pour mettre en images le récit de Beigbeder. Mais il le fait... trop bien. Dans la structure narrative comme dans la composition visuelle, le récit épouse complètement, et à forte dose, les tics de ce qu'il prétend dénoncer. Un spot d'une centaine de minutes, ça fait vraiment beaucoup à supporter. Et il ne suffit pas au cinéaste de s'afficher éventuellement dans le second degré, ou de finir sur un message moralisateur, pour se dédouaner d'une totale complaisance envers un monde qui le fascine plus qu'il ne l'exaspère.
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