Odeur du temps
Promo pour mon "jumeau" du 16 juin (... mais pas de la même année !)
Jean d'Ormesson, dont l'esprit est si peu académique, vient de publier l'un de ses meilleurs livres. C'est un recueil de chroniques. Oui, de ces articles écrits au jour le jour et sur lesquels s'abat l'oubli, puisque, c'est connu, le journalisme ne survit pas à la nuit qui tombe. Mais que se passe-t-il? Voilà que, par un prodige dont seule la langue est capable, ce qui fut écrit pour disparaître résiste si bien au temps que, de gouttelette de lumière, il devient phare. Eh oui, Odeur du temps est un livre irrésistible.
Jean
d'O montre ici - sans le vouloir? - que le journalisme, s'il ne
fabrique presque jamais de grands romanciers, offre parfois de superbes
morceaux de littérature. Dans des pages où la fièvre et la joie
clopinent en une étourdissante sarabande, il parle, merveilleusement,
de ce que l'immense Toulet, poète aussi génial que méconnu, nommait «la
douceur des choses»: un livre que l'on a aimé, une maîtresse que l'on
n'a pas eue, telle autre qui vous donna du plaisir et telle qui
provoqua les chagrins, un bain de mer avant la caresse du soleil, les
sempiternelles promenades face à la Douane de mer, les souvenirs, le sport,
le cinéma, les idées... La vie qui passe, en somme.
C'est gai. Léger.
Désinvolte. Très sérieux. Un peu cabot. Mais surtout extraordinairement
vivant. Jean d'O écrit des choses minuscules et immenses. Il dresse
ainsi un saisissant tableau de l'époque. Ce sont des portraits
d'écrivains, des odes à la poésie, des canulars de khâgneux, des
saillies contre le cynisme et la platitude de contemporains qui ne le
comprennent qu'à demi. On lui doit de célébrer la frivolité et, avant
tout, de nous faire comprendre que la frivolité, lorsqu'elle s'appelle
lecture, amour ou voyage, est essentielle. Merci! C'était bien.