Ensemble, c'est tout
D'un roman, on en fait tout un film
Avoir une vieille grande tante débarquée de Russie avec toute sa fortune, ça aide. En attendant que se règlent les questions d'héritage, Philibert installe son goût du luxe dans le grand appartement parisien qu'elle s'était offert. Bègue, mais ça se soigne, vendeur de cartes postales en attendant de devenir comédien, généreux et plein de bonnes manières, il partage ce trop grand espace avec Franck. Un cuisinier qui est tout son contraire. Bourru, désordonné, dragueur, mais très attentionné pour sa grand-mère qui vient de rejoindre une maison de retraite. Et il y aura encore de la place pour Camille. Une technicienne de surface anorexique et généreuse, qui laisse sa chambre de bonne pour les rejoindre.
Un coeur gros comme ça. Il battait
à plein régime dans les pages du récit d'Anna Gavalda. Il palpite au
même rythme dans la fidèle transposition qu'en fait Claude Berri. Le
roman comme le film chroniquent avec générosité les humeurs
sentimentales des temps qui courent. Ces quatre personnages sont bien
des figures du moment. Livrés à eux-mêmes par la décomposition de
familles qui n'ont plus rien à se dire. Le coeur trop cabossé pour
prendre encore le risque de s'engager. L'esprit assez vif et sensible
pour s'imaginer un futur plus réjouissant, dans les arts de la
gastronomie, de la scène ou du dessin. Et au-delà des égoïsmes, des
rébellions, des désinvoltures et des refus, le désir profondément ancré
de faire vivre une sensibilité, une tendresse et un attachement qui ne
demandent qu'à reprendre du bon service.
L'amour, la mort,
l'amitié, la solidarité. Et toutes les grandes valeurs de l'existence.
Le scénario n'évite pas toujours la tentation d'appuyer sur les bons
sentiments démonstratifs, pour avancer forcément sur la candeur d'un
happy end attendu. Mais la mise en scène, joliment rythmée par sa
partition musicale, ne se départit jamais d'une réelle élégance
imprégnée du charme de ses interprètes. Françoise Bertin la grand-mère
bougonne, Laurent Stocker en rêveur aux belles manières, Guillaume
Canet le malotru qui tait son sentimentalisme ou Audrey Tautou en
oisillon fragile et généreux, c'est le joli quatuor d'une partition
tout à la fois mélancolique et régénérante.