"Portnoy et son complexe"
Un livre sans complexes
Portnoy (complexe de), (pôrt'-noïkon-plè-ks'), n. [d'après Alexander Portnoy (1933- ).]
Trouble caractérisé par un perpétuel conflit entre de vives pulsions d'ordre éthique et altruiste et d'irrésistibles exigences sexuelles, souvent de tendance perverse. Voici ce qu'en dit Spielvogel : "Exhibitionnisme, voyeurisme, fétichisme, auto-érotisme et fellatio s'y manifestent à profusion ; par suite de l'intervention du ''Surmoi'' du sujet, toutefois, ni ces fantasmes ni ces actes n'engendrent de réelles satisfactions d'ordre sexuel, mais plutôt un insurmontable sentiment de honte et la peur du châtiment en particulier sous forme de castration." (Spielvogel O. "Le Pénis éperdu", Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, vol. XXIV, p. 909). L'on peut considérer, selon Spielvogel, que la plupart des symptômes reconnus ont pour origine les liens nés des rapports mère-enfant. (p. 9)
Tout est dit au début du roman. Portnoy a un problème ; un problème avec les femmes. Il doit ce "problème" à son éducation, une éducation juive, dans une famille juive... Sa mère est excessive et castratrice comme seules savent l'être les mères juives. Son père Jack travaille avec conscience et vit terrifié par la constipation qui menace sans cesse ses entrailles.
Portnoy, lui, prend conscience de sa sexualité avec excès. Adolescent, il se masturbe avec délectation ; adulte, il multiplie les conquêtes féminines, incapable de se fixer, incapable de se limiter à une seule compagne. Portnoy aime la variété, il savoure chaque nouvelle partenaire sexuelle comme un collectionneur apprécie chaque caractéristique de ses oeuvres.
Le roman apparaît comme une longue confession, un long monologue que Portnoy livre sans pudeur à son analyste. Le thème de la Judéité est bien sûr présent. Le complexe de Portnoy est bien sûr très lié à sa religion. C'est même probablement la religion qui s'avère plus castratrice encore que sa mère : lorsqu'il séjourne en Israël, il n'est même plus capable d'avoir une érection...
La lecture est parfois aride, difficile même. La narration est très libre, les digressions sont continuelles. On ne peut que souligner la grande modernité du style... et la grande liberté de ton. Le vocabulaire utilisé risque de choquer les âmes sensibles ou prudes. On connaît tout des frasques sexuelles du brave Portnoy qui n'hésite pas à désigner par leur nom ses pratiques intimes comme les éléments d'anatomie qu'il manipule...
Une lecture à la fois distrayante et surprenante. Du grand Philip Roth...